Introduction :
Si la veille économique est un levier crucial pour les entreprises, elle l’est tout autant pour les territoires (régions, pays). À l’échelle macro, elle se transforme en intelligence économique, un instrument de politique publique visant à sécuriser l’économie nationale, à protéger les fleurons industriels et à attirer les investissements stratégiques. C’est un élément clé de la souveraineté économique dans la guerre économique mondiale.
I. Les trois piliers de l’intelligence économique territoriale
La veille stratégique et sécuritaire : Il s’agit de protéger le patrimoine économique national. Cela inclut la lutte contre l’espionnage économique, la protection des données sensibles et des technologies critiques (cyberdéfense), et le contrôle des investissements étrangers dans des secteurs stratégiques (défense, énergie, santé) pour éviter des prises de contrôle hostiles. Les États utilisent la veille pour identifier les vulnérabilités de leurs chaînes d’approvisionnement et prévenir les risques de rupture.
Le soutien à la compétitivité des entreprises : Les pouvoirs publics mettent en place des dispositifs pour diffuser une culture de la veille auprès des PME/ETI, souvent moins armées que les grands groupes. Cela passe par des centres de ressources régionaux, des subsides pour externaliser la veille, ou la mise à disposition de plateformes sectorielles d’information. L’objectif est de renforcer l’écosystème économique national dans son ensemble.
L’influence et la contre-influence : La veille sert à identifier les normes et standards en cours d’élaboration à l’international (ONU, UE, OMC) pour y participer activement et défendre les intérêts nationaux. Il s’agit aussi de monitorer l’image du pays à l’étranger, de lutter contre les désinformation et campagnes de déstabilisation économiques, et de promouvoir l’attractivité du territoire auprès des investisseurs et des talents internationaux.
II. L’approche comparative : le modèle français d’intelligence économique
La France a fait de l’intelligence économique une priorité d’État, avec une doctrine formalisée et des structures dédiées (notamment au sein de la Direction Générale des Entreprises – DGE). Cette approche, souvent qualifiée de « colbertiste », associe étroitement secteurs public et privé dans une logique de défense des intérêts économiques nationaux. Elle se distingue d’un modèle anglo-saxon plus libéral, où la veille est laissée à l’initiative individuelle des entreprises, et d’un modèle asiatique plus intégré et dirigiste.
III. Le défi de la coopération public-privé et de la data-diplomatie
Le défi majeur pour les États réside dans la création d’un cercle de confiance permettant le partage d’informations sensibles entre services de l’État et entreprises, sans entraver la libre concurrence. Par ailleurs, la « data-diplomatie » émerge : la capacité d’un pays à négocier l’accès aux données, à définir des standards de flux (RGPD) et à utiliser les données comme une ressource géostratégique est devenue un enjeu de puissance majeur.
Conclusion :
À l’ère de la guerre économique, la veille n’est plus optionnelle pour les nations qui entendent préserver leur souveraineté et leur prospérité. De la protection des innovations à l’influence normative, l’intelligence économique est l’art de mobiliser l’information comme une arme de projection de puissance et de résilience dans la compétition globale. Elle consacre l’information comme la ressource stratégique du XXIe siècle.